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flo et marlène en Haïti
11 juin 2008

Ayiti chérie (suite)

Bonjour à tous! Ca fait plusieurs mois que je n’ai pas vraiment écrit sur le blog…
Le temps d’avaler qqs longues journées de boulot, le temps aussi de digérer les bons moments, et ceux plus difficiles, le temps de vivre au rythme d’ici.  
Alors aujourd’hui parlons un peu d’Ayiti. On vous montre souvent de très belles photos, on raconte tous les bons moments que l’on passe ici. Au point que tout le monde commence vraiment à mélanger Haïti et Tahiti ! Tout ce qu’on a dit, tout ce qu’on a montré est vrai. Nous prenons volontairement le contre-pied des médias qui ne montrent Ayiti que comme un pays en ruine, qui ne comprennent rien à l’histoire de ce pays, à ce qui s’y passe réellement et qui en oublient toutes les richesses. Après plus d’un an ici, il est quand même peut-être temps de parler d’Ayiti avec un minimum de recul et d’objectivité. 
Ayiti, pays si paradoxal, pays où d’une journée à l’autre, tous les visages peuvent vous paraître souriants, puis fermés, méfiants… Pays où on se lève le lundi avec une pêche d’enfer, des envies de déplacer les montagnes, tant d’idées et d’espoir… Pays où le mardi on se lève le cœur serré, certain que rien ne va changer, tout va empirer.
Ayiti, pays aux 8 millions d’habitants, grand comme la Bretagne, pays de la musique racine, pays peuplés d’artistes, pays des tambours et du vaudou, pays de cette si belle langue créole, pays aux milles mangues, pays aux milles fruits, cultures vivrières, pays de l’agriculture, de la terre, pays des Caraïbes, pays de la résistance où les premiers ils ont su se lever et renvoyer ces criminels de colons chez eux, pays où il suffit de dire bonjour pour voir un visage s’illuminer.
Ayiti, pays de la misère, de la souffrance, de l’élitisme, société déchirée, pays des paysans qui vivent ‘en dehors’, pays des frimeurs en grosse voiture de la ville, pays des désespérés des bidonvilles, pays des kidnappeurs de Port au Prince, pays où la politique fait mal, de la politique mafia, de la politique qui manipule, frappe, tue. Pays si fier mais si écrasé par les règles du jeu international, pays des professeurs d’écoles sachant à peine lire et écrire (à la campagne), pays frustré, pays du peuple qui n’a jamais vraiment trouvé la liberté pour laquelle il s’est battu.
Pays où il faut vivre pour voir, pays où il faut vivre pour comprendre. Que les choses soient bien claires, il n’y a pas eu d’émeutes de la faim en Haïti au mois d’avril. Oui les gens ont faim, surtout en Avril parce que ça fait 4 mois qu’il n’y a pas eu de récolte. La montée des prix du pétrole et des denrées alimentaires a des conséquences dramatiques ici. (Quand est-ce qu’on inventera autre chose, quand est-ce que Wall Street ne déterminera plus le destin de millions de gens au nom de la…. spéculation, ça c’est un autre débat…) Mais les émeutes, les casses ciblées, sur les intérêts de certaines familles, sur un magasin et pas un autre, sur les intérêts de certains pays, tout ça n’a rien à voir avec la faim. C’est juste une démonstration, une de plus de ce que veux dire faire de la politique ici. La casse, les jets de roches sont organisés, planifiés, méthodiques. Les casseurs sont payés… Cette fois-ci il s’agit du parti Lavalas, parti de ce cher Aristide, parti qui cherche seulement le chaos pour assurer le retour de ce cher Titide. Mais ils ne sont pas les seuls à savoir jeter des pierres, payer pour casser, parfois pour tuer. Il y a 10 jours, le sénateur du département du Sud-Est (département de Jacmel) un des grands barons de la drogue en Haïti, distribuait des enveloppes d’argent de 20 gourdes (- 1$US, - de 1 portion de riz) près de la où on travaille pour acheter les futurs votes des gens. Ca marche, il a déjà été élu comme ça.
Politique criminelle, politique qui manipule les foules, politique qui a tout intérêt à ce que rien ne change pour continuer à marcher sur la tête des autres… Et ça fait 204 ans que ça dure. Depuis l’indépendance, jamais aucun président ou gouvernement progressiste n’a vraiment changer les choses. Pourquoi construire un système éducatif solide quand il est si facile de faire avaler n’importe quelle pilule à quelqu’un qui ne comprend rien à tous les beaux et grand mots que vous utilisez…
La plupart des gens formés et compétents ici, face à la situation, finissent par aller vivre au Canada, aux Etats-unis ou en France quand ils en ont l’opportunité. C’est un autre drame haïtien. On parle de fuite des cerveaux en France, ici on ne trouve plus de professeurs, plus d’ingénieurs, plus de médecins… enfin il en reste quelques uns.. Une minorité reste encore et toujours, y croit encore et toujours.
Heureusement qu’ils sont là. Il y en a pas mal à CROSE, où je travaille, et j’en arrive par une transition douteuse, à parler du boulot. L’approche dans notre projet est toujours la même : comment intégrer l’ensemble des acteurs : population, autorités locales, l’état, les organisations paysannes etc. à une réflexion commune sur la bonne gestion du territoire dans un tel contexte de pauvreté, d’urgence sociale et environnementale, de jeu politique malfaisant..
Les techniques d’aménagement existent, nous essayons toujours d’adapter des mesures de protection environnementale à la possibilité d’une amélioration des revenus des paysans : structures de conservation des sols biologiques (qui apporte une production rapide : fourrage, ananas, cannes à sucre…), reboisement avec des espèces très rentables, valorisation et intensification des terres à bon potentiel agricole… Il ne faut pas oublier que la population augmente, et que la production agricole diminue… La problématique est là : augmenter la production tout en garantissant des systèmes de production durables. Mais finalement cela ne semble pas le plus difficile, techniquement parlant.
Le véritable défi tient à la réelle appropriation, participation de la population à la mise en place de ces activités, comment développer un consensus au sein de la population, et par tous les acteurs par rapport aux aménagements proposés, et à leur localisation. Comment assurer que l’Etat joue enfin son rôle indispensable vue l’ampleur des problèmes et les surfaces mises en jeu ? Puisqu’il n’y a pas d’état en Haïti, puisqu’il y a un besoin urgent de maîtriser et d’aménager le territoire, la démocratie locale prend ici tout son sens, à travers la constitution du mouvement social de CROSE et à travers l’outil qu’on a déjà développé : la maquette en 3D dont j’ai déjà longuement parlé. Donc on avance… Lentement, mais on avance.
Mais CROSE est ambitieux, et à raison de l’être. Le bassin versant sur lequel on travaille fait 50 km². Il fait parti d’un bassin de 500 km² qui lui alimente ‘la grande rivière de Jacmel’. Qui porte bien son nom, et qui à chaque cyclone menace de détruire Jacmel et la plaine alentour encore un peu plus. Donc il faut changer d’échelle. Il faut que ce processus de concertation, de planification, de priorisation dans l’aménagement du territoire se fasse à grande échelle. L’aménagement du territoire n’est pas uniquement une question agro-environnementale technique, mais bien aussi une réflexion sur comment fournir un accès aux services sociaux de base sur l’ensemble de ce territoire. Les paysans se tuent à la tache pour envoyer leurs enfants dans des écoles miteuses, la moindre urgence médicale peut être dramatique, il n’y a pas de routes, d’accès au marché. On porte tout sur la tête, on marche encore et toujours, on monte, on descend, on monte. Les montagnes sont raides ici... Et ce n’est pas pour le plaisir de la rando. Comment changer de système de production quant on a à ce point le couteau sous la gorge ?
Et donc au début du mois de juillet, on va construire une deuxième maquette, cette fois-ci pour le grand bassin de 500 km², à Jacmel, où on pourra enfin parler avec les responsables des ministères, les représentants de l’Etat, qui refusent de marcher pour arriver jusqu’à Michineau (où l’on travaille) et ailleurs. On pourra enfin les mettre face aux organisations paysannes dont le réseau quadrille le département, on pourra enfin les mettre face à leurs responsabilités…
En attendant reste à construire une maquette de plus de 4 m de long, et 3 de large… Le résultat devrait quand même en jeter…

Donc voilà le quotidien au boulot : des réflexions et choix techniques, du dialogue, de la planification, de la coordination, des budgets, des prévisions... Le tout au rythme des saisons agricoles… C’est bien évidemment passionnant, épuisant, mais l’espoir est là, surtout quand cet espoir est porté dans tout le département par des gens sincères et motivés (ce n’est pas le cas de tous à CROSE, mais il y en a quand même beaucoup). Mais demain, il faudra faire avec les retards, l’hypocrisie de certains, les problèmes du voisin qui doit se faire opérer pour la troisième fois (pour plus de 4000$US, sans couverture sociale.. heureusement, il fait partie des quelques chanceux qui arrivent à s’en sortir ici…) et la confrontation avec tous les problèmes précités et les autres…
Le quotidien donc au rythme des saisons agricoles, au rythme de la pluie… et du beau temps…

Flo

Bonjour!
Je prends la relève pour la partie illustrée! Aujourd'hui, le thème est "fruits et animaux"!!

 

Je vous montre les arbres fruitiers qu’on a dans notre jardin. Les fruits qui ont le même nom que chez nous n’ont pas du tout le même goût. Pour les oranges, on en a deux sortes. La photo montre les rondes mais il y a aussi les ovales et je ne me rappelle jamais lesquelles sont douces et lesquelles sont amères. On fait du jus avec, comme pour les cerises. Je ne les mange pas comme ça. Sur la photo vous verrez que le cerisier ne produit pas en ce moment, on ne voit que deux cerises. Puis on a le citronnier qui nous donne plein de citrons verts qui servent surtout pour le rhum !! Enfin pour flo, moi j'en fais du jus! Et enfin le manguier. On ne sait plus quoi faire des mangues ! Il y en a au moins une dizaine qui tombe par jour. On en mange certaines mais bon, au bout d’un moment ça devient plus trop bon pour les intestins si vous voyez ce que je veux dire ! Alors on en file aux gens, aux voisins, flo en apporte au bureau.
Je vous montre aussi une photo d’un des lézards qui trainent souvent à la maison, et d’un papillon énorme. Tellement gros que même si c’est qu’un papillon, il m’a fait peur ! Il y en a plein de sortes différentes ici et souvent très colorées.
Je vous embrasse.
A bientôt ! (J-39)
marlène.

oranger oranges cerisier cerises citronnier
citrons manguier mangues
l_zard papillon

 

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Commentaires
V
je vois que pas grand chose ne change mais après un an vous êtes toujours là et apparemment, même si c'est pas tous les jours facile, vous tenez le coup. Alors bon courage!<br /> Flo, j'attends de voir cette giga maquette, rien que l'idée, ça m'impressionne. Je reconnais bien là la vision des grandeurs d'un certain coordinateur...<br /> Marlène, merci pour les photos. Si vous pouviez m'envoyer yon ti mango fransik, sa ta'm fè plezi anpil! M'sonje nou tout...<br /> Val
M
j'ai lu avec attention ce long paragraphe et nous trouverons le temps d'en parler à votre retour en france!<br /> je pense que parfois le moral doit fléchir malgré votre enthousiasme (j'ai connu cela lorsque je travaillais en brousse en RCA)<br /> des choses avancent et vous en etes porteurs !<br /> je pense bien a vous et retrouve mes 20ans en vous lisant mais 40ans apres les memes problemes exitent!!!!<br /> Ramenez moi un bon tambour ce serait sympa!(je le prendrait en charge financièrement)<br /> tendrement <br /> Maman
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